17 novembre 2005

R.D.Congo: Le MusicienTabu Ley nommé vice gouverneur de la ville de Kinshasa.

La nouvelle est tombée le mardi 15 novembre dans la soirée Jean Kimbunda, le gouverneur de la ville de Kinshasa et l’un de ses adjoints chargé des Questions politiques, Laurent Batumona, sont limogés. Ils sont remplacés par, MM. Kimbembe Mazunga et Pascal Tabu Ley alias “Rochereau”, nommés respectivement Gouverneur et Vicegouverneur chargé des Questions politiques de la ville de Kinshasa par décret présidentiel. D’autres décrets publiés le même jour nomment MM. Jean-Pierre Lola Kisanga, Maboso et Balama Tusi en qualité respective de gouverneur de la Province Orientale et des Vice-gouverneurs des provinces de l’Equateur et du Sud-Kivu.
Si la nomination de la plupart de ces personnalités se passe de tout commentaire, celle du « Seigneur Ley », comme l’aiment bien l’appeler ses fans, semble tout à fait atypique. En effet, c’est pour la première fois dans l’histoire politique de la RDC qu’un artiste musicien vient d’être élevé à ce niveau de responsabilité dans la gestion des affaires de l’Etat. Dès lors, des interrogations fusent quant à la capacité de « l’idole d’ébène » de rééditer ses exploits en musique sur le terrain politique.
Un des génies de la musique congolaise moderne
Né en 1940 près de Bagata, dans le Bandundu, Rochereau Tabu Ley, passe aux yeux de beaucoup d’observateurs comme l’un des artistes musiciens congolais les plus talentueux, parce que réunissant plusieurs qualités à la fois.
S’il est un grand chanteur, il est aussi un grand compositeur, un grand danseur, un grand formateur, un grand show-man et un innovateur de la musique congolaise moderne. Disciple de Kabasele Tshiamala, dit Grand Kallé, son maître, Rochereau est le premier artiste-musicien noir, venant d’Afrique noire, à avoir joué dans une salle de spectacle de renommée internationale, en l’occurrence l’Olympia de Paris, en 1970. D’aucuns pourront opposer le fait qu’aujourd’hui des artistes, plus jeunes comme Koffi Olomide, Papa Wemba, J.B Mpiana, Werra Son ou Emeneya se soient également produits à Bercy, au Zénith ou à l’Olympia devant un public plus important. Mais Rochereau a le mérite d’avoir été le premier en Afrique noire, pas seulement au Congo, à avoir relevé ce défi et surtout à avoir joué devant un public essentiellement européen, là où la plupart des artistes congolais actuels se contentent de jouer devant la diaspora congolaise, voire africaine. C’est un véritable précurseur.
Grand compositeur, Tabu Ley a composé, introduit sa voix ou arrangé plus de 2000 chansons dont la plupart sont des tubes à succès. On peut se souvenir encore de Mokolo na kokufa, Adios tete, Kaful Mayay, Nzale, Mongali, Maze et autres Sarah. Sur ce terrain, seuls feu Franco et Simaro Lutumba peuvent le concurrencer, le premier en ce qui concerne la quantité et le second sur le plan de la qualité. Un confrère très au fait de la musique congolaise me soufflait un jour à l’oreille : « Le jour où Rochereau viendra à quitter ce monde, son répertoire pourra être diffusé à la radio sans discontinuer pendant au moins une semaine ».
Tabu Ley est également celui qui a introduit plusieurs innovations dans la musique congolaise : la chanson en solo, la batterie, la guitare mi-solo, le spectacle, les danseuses... Plusieurs vedettes congolaises sont passées par soit école : Pepe Ndombe, Mbilia Bel, Sam Mangwana, Feu Pamelo Mounka, Yondo Sister et même, Papa Wemba. Des artistes comme Koffi Olomide ne se cachent pas d’avoir été inspiré par lui. A ce jour, il est rare de voir un jeune artiste congolais qui n’ait pas repris un air, une partie et même tout le texte d’une de ses chansons.
Artiste engagé
Plus connu comme chantre du romantisme, Pascal Tabu est aussi un musicien engage. Il a chanté Lumumba, Martin Lutter King, Kashama NKoy, mais aussi Mobutu, avec la « Révolution comparaison » et l’ « Objectif 80 » ainsi que Laurent-Désiré Kabila.
Visiblement homme de gauche, il a eu le courage de dénoncer l’inconscience de la classe dirigeante dans « Le glas a sonné » paru en 1993 sous la transition Mobutu. Dans « Congo Lelo », quatrième titre de son dernier album “Tempelo” paru en 2004, Rochereau apparaît plutôt comme un pacificateur et un rassembleur.
La question reste de savoir si, maintenant qu’il est au pouvoir, Tabu Ley, qui n’a toujours pas une réputation de bon gestionnaire, saura faire la différence et appliquer les leçons qu’il a souvent faites à la classe dirigeante dans ses pamphlets. Pour la majorité des kinois en tout cas, il n’a pas droit à l’erreur et le plus dure ne fait que commencer.
Source: Le Phare.

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