19 février 2007

RDCONGO: Des congolais arrêtés, détenus et portés disparus par les services de securité dépendant du Chef de l'Etat


La Voix des Sans-Voix pour les droits de l’homme (VSV) vient d’apprendre la participation annoncée d’une délégation congolaise au 24ème sommet France- Afrique à Cannes en France les 15 et 16 février 2007 où les chefs d’Etat et des gouvernements vont se réunir à l’invitation de monsieur Jacques Chirac, président de la république française.
Le déplacement de messieurs Vital Kamerhe et Léonard She Okitundu, respectivement président de l’Assemblée nationale de la RDCongo et directeur du cabinet du chef de l’Etat intervient au moment où le pays fait face à des situations difficiles caractérisées par la répression de fidèles du mouvement politico-religieux Bundu Dia Kongo (BDK) ayant fait plus d’une centaine de morts, dans la province du Bas-Congo ; le dossier sur la double nationalité de plus d’une centaine de députés nationaux au niveau du l’Assemblée nationale, de l’insécurité à l’Est du pays, des détentions illégales et arrestations arbitraires des paisibles citoyens et autres membres des partis politiques d’opposition et leurs proches, la pratique de la torture ou peines et autres traitements cruels, inhumains et dégradants …
Aussi, la VSV saisit-elle cette occasion pour dénoncer fermement la politique d’arrestation et de détention prolongée sans jugement ni griefs valables des officiers supérieurs, subalternes, gradés, soldats, policiers, agents de services de sécurité et autres civils qui croupissent indûment au Centre Pénitentiaire et de Rééducation de Kinshasa (CPRK) ex prison centrale de Makala, aux cachots de la Direction de Renseignements Généraux et Services Spéciaux de la Police (DRGS) et à ceux de la Garde Républicaine (GR, ex Groupe Spécial de Sécurité présidentielle, GSSP) au camp Tshatshi.
Il s’agit notamment de plusieurs détenus dont :


1. 43 personnes du groupe Bobo Toromina de l’ « Opération Pentecôte ».


Ces personnes, en majorité originaires de la province de l’Equateur, ont été arrêtées après avoir tiré des coups de feu la nuit du 27 au 28 mars 2004 dans plusieurs sites à Kinshasa. Le gouvernement congolais a qualifié, à l’époque, cette action d’une tentative de coup d’Etat, de manœuvres de déstabilisation, des attaques terroristes… Par contre, les membres de ce groupe déclarent que leur action constitue un mouvement de revendication et de dénonciation des injustices dont sont victimes les militaires des ex Forces Armées Zaïroises (FAZ) en particulier et tous les militaires des Forces Armées de la RDCongo (FARDC) en général. Et aussi, de la mauvaise administration de l’armée, du non paiement des soldes des ex FAZ depuis la prise du pouvoir par l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo (AFDL) le 17 mai 1997 et de la politique d’exclusion et de discrimination des ex FAZ par le gouvernement de transition. Depuis la réception d’une décision de renvoi en janvier 2005, la procédure judiciaire est restée pendante.


2. Le groupe Victor Digekisa et consorts


Monsieur Victor Emmanuel Digekisa Piluka est enlevé en compagnie de messieurs Jacques Hamuli et Djuma Ndengi depuis le 24 août 2004 au niveau de la gare centrale à Kinshasa/Gombe par des militaires de ex Détection Militaire des Activités Anti-Patrie (DEMIAP). Les victimes sont soupçonnées de fomenter un coup d’Etat contre le régime du président Joseph Kabila. Elles ont été conduites au cachot de la DEMIAP et y ont été gardées au secret avant d’être transférées au CPRK où elles croupissent au pavillon 11 dépendant de la DEMIAP devenue plus tard Etat-major de Renseignements Militaires.
D’autres personnes ont été arrêtées et détenues au CPRK pour la même affaire et détenues au Pavillon 11 de cet établissement penitentiaire. Il s’agit de messieurs Moïse Kalula Musualu, Kikati Makiana Libanais, Zihindula Rigobert, Kasi Kalula Gaston, Elvis Kirongozi Banganba et Kokale Ilunga Romain.
Aucune procédure judiciaire n’est engagée jusqu’ à ce jour.


3. Les dirigeants de différents mouvements politico-militaires de l’Ituri en détention


Plusieurs dirigeants de différents mouvements politico-militaires de l’Ituri ont été arrêtés et détenus au cachot de l’Etat major des renseignements militaires, (ex DEMIAP) en février 2005.
Il s’agit des généraux Germain Katanga et Godas Sukpa, de messieurs Floribert Ndjabu, président du front des nationalistes intégrationnistes (FNI), de Thomas Lubanga et Bède Ndjokaba Lambi, respectivement président et porte-parole de l’Union des Patriotes Congolais (UPC), Justin Ngole Ndalo, ....
Plusieurs autres personnes ont été arrêtées et détenues en mars 2005 pour avoir rendu visite aux détenus. Il s’agit de Joël Lema Bahati, Pitchou Iribi, Mbondina, Philémon Manono, Masudi Georges. A l’exception de M. Thomas Lubanga transféré à la CPI pour y être jugé, les autres prévenus continuent à croupir au CPRK sans être fixés sur le sort réservé à leur dossier.
4. Me Marie-Thérèse Nlandu Nene Mpolo et ses 8 codétenus
Me Nlandu Thérèse Mpolo-Nene, avocate au barreau de Kinshasa, présidente du parti politique « Congo pour la Paix » et membre de l’alliance politique Union pour la Nation (UN) est appréhendée mardi 21 novembre 2006 au siège de la Direction des Renseignements Généraux services spéciaux de la police (DRGS) lorsqu’elle s’y rend dans le but de rechercher ses proches collaborateurs enlevés par des hommes armés en tenue de la Police d’Intervention Rapide (PIR) lundi 20 novembre 2006 vers 15h00 et détenus au cachot de la DRGS. Il s’agit de Charles Félix Kianza Bata, Lusiladio Mavambu Gauthier, Bienvenu Ntungu Makumbu, pasteur José Inonga, Gbala Kukambisa, Bona Kongbo Nzinagba, Gayo Lemvo Claude, L’avocate est arrêtée sous un fallacieux prétexte de détention d’armes de guerre.
L’enlèvement de ses collaborateurs est opéré au niveau de la paroisse catholique Saint Luc de Macampagne à Kinshasa/Ngaliema lorsque l’avocate est entrée dans une parcelle d’une connaissance. Elle a été transférée au CPRK en compagnie de ses collaborateurs le 22 novembre 2006. Déférés devant la Haute Cour Militaire, Mme Nlandu et ses collaborateurs comparaissent devant le tribunal de garnison de Kinshasa/Gombe pour « tentative de mise en place d’un mouvement insurrectionnel ».


5. Groupe Topwa et consorts


Quarante-neuf (49) personnes militaires et policiers originaires de la province de l’Equateur sont enlevées par les policiers des services des renseignements généraux de la police et conduits à l’Immeuble Kin-Mazière où elles ont été placées en détention en début décembre 2006. Il s’agit de : Topwa Mbeman Jean Pierre, Dembele Gbabolo A, Ndokai-Mbango Paul, Yawa Gomonza, Kesangana Tigre, Nambunzi Gbamor,Demodedo Jean-Remy,Godet Loyangu, Wele Mapasa, Lana Demogo, Daya Gracia, Daya Dambola, Ngbelo Longina, Eboma Ngboko Michel, Wangu Gayo Roger, Gombali Weledi, Kifunda Max, Kanda Tanda, Ngando Boloswa, Luwawa Musangu,Tukebana Bayela, Edjanga, Dido, Bosange Ernesto, Guy Molea, Ikekema Lomanga, Moîse Mutosi, Mme Lisasi, Mlle Lisasi Cockette, Mme Julie Babowa, Mme Wantime Chantal, Badibanga Alain, Kongbo Zinagba B.Samba-Samba, M. Sanu Mathieu, Bokolombe Eugenie, Ndalenge Ngoboso,Kpalafio Jean, Mbutu Gbamo, Kombema Vumgbo, Kazangba Wa Mboongo, Zeli Basu Luc, Mbanya Te Mbanya, Ndanyo Bula
Pendant leur détention, elles ont été soumises nuitamment et pendant les interrogatoires à la torture et autres traitements cruels, inhumains et dégradants. La plupart d’entre elles ont été enchaînées aux pieds depuis le jour d’arrestation jusqu’au 20 décembre 2006. Elles sont soupçonnées par la DRGS d’appartenir ou d’être en collusion avec le Mouvement de Libération du Congo (MLC) de M. Jean-Pierre Bemba et de tentative de coup d’Etat contre le régime en place. Plusieurs femmes ont été enlevées, détenues au cachot des services généraux de renseignements de la police avant d’échouer à de différentes dates le même mois au CPRK où elles ne sont pas, jusqu’à présent, fixées sur leur dossier.


6. Théophile Kazadi Mutombo alias Fofana


A la suite d’une tentative de putsch par major Eric Lenge, major Théophile Kazadi Mutombo alias Fofana recherché par les services de sécurité s’est enfui à Brazzaville en république du Congo où il a été arrêté et extradé à Kinshasa dans la nuit de samedi 03 au dimanche 04 juillet 2004.
Placé en détention sans droit des visites au cachot de l’Agence Nationale de Renseignements (ANR), Direction Sécurité Intérieure (DSI) sise Kinshasa/Gombe, major Théophile Kazadi Mutombo alias Fofana s’est évadé dans la nuit de dimanche 12 au lundi 13 septembre 2004 avant d’être capturé à Kingabwa dans la commune de Limete et transféré au Centre Pénitentiaire et de Rééducation de Kinshasa (CPRK, ex Prison Centrale de Makala pavillon 11) vendredi 17 septembre 2004 sans droit des visites. Il lui est reproché d’avoir participé au coup d’Etat manqué du major Eric Lenge et croupit au CPRK sans qu’il ne soit présenté devant un magistrat.


7. Pasteurs Kuthino Fernando et son interprète Bompere Mbo


Dimanche 14 mai 2006, vers 13h30, en son bureau installé au siège de l'Eglise, sis avenue de l'Enseignement, commune de Kasa-Vubu, pasteur Kuthino Fernando a été enlevé sur ordre du major Van sous la supervision du colonel Raus Chalwe, commandant des services spéciaux de la police par des hommes armés en uniforme de la police et en tenue civile.
Lors de cet enlèvement, des coups, des sévices corporels et autres mauvais traitements ont été infligés à la victime avant son acheminement au cachot des services spéciaux de la police et son transfert au CPRK, pavillon 4 où le pasteur a été rejoint plus tard par son collaborateur et interprète bishop Bompere Mbo.
Celui-ci continue de croupir au pavillon 4 du Centre Pénitentiaire et de Rééducation de Kinshasa (CPRK) où il est maintenu en détention, et ce, malgré la dégradation continuelle et alarmante de sa santé affectée par des troubles cardio-vasculaires, l'hypertension artérielle et l'ulcère gastrique.
Le tribunal militaire de la garnison de Gombe qui s'est saisi de l'affaire sous le dossier RMP 1664/NKK/2006 et RP 210/206 retient à sa charge trois chefs d'accusation, à savoir : association des malfaiteurs ; tentative d'assassinat du pasteur Dr Aggrey Ngalasi de l'Eglise la Louange en décembre 2002 ; détention illégale d'armes de guerre…
Vendredi 16 juin 2006, le tribunal militaire qui siégeait dans l'enceinte de l'Inspection Provinciale de la police de Kinshasa (IPKIN) a rendu son verdict au terme de onze audiences en condamnant l'archbishop Kuthino Fernando à 20 ans de servitude pénale principale (SPP) et bishop Bompere Mbo à 10 ans de SPP.
L’arrestation de l'archbishop Kuthino Fernando procède d’une logique visant de le réduire au silence et de l'exclure du processus électoral par son maintien par tous les moyens en détention.


8. Docteur Sosso


Docteur Sosso Gesevene Faustin, conseiller médical du vice-président Jean-Pierre Bemba Gombo est porté disparu depuis dimanche 20 août 2006, vers 17h00, à Kinshasa/Gombe.
Dr Sosso Gesevene Faustin est enlevé par des militaires de la Garde républicaine (GR, ex Groupe spécial de sécurité présidentielle, GSSP) au sortir d’une visite privée sur l’avenue de l’Ouganda à Kinshasa/Gombe et amené vers une destination inconnue. Depuis lors, la victime ne fait plus signe de vie.
Des informations parvenues à la VSV font état de son exécution sommaire et extra-judiciaire.


9. Des militaires et civils disparus à l’Etat-major des renseignements militaire, ex DEMIAP


En fin septembre 2006, l’exécution sommaire et extrajudiciaire d’une vingtaine des personnes militaires, policiers et civiles enlevées entre juillet et août 2002 semble se confirmer avec l’absence totale et prolongée d’informations sur leur existence. Après leur enlèvement par l’ex-Détection Militaire des Activités Anti-Patrie (Demiap) devenue naguère Etat-major des renseignements militaires, les victimes ont été d’abord détenues au cachot de ce service de sécurité militaire, sis commune de Kintambo avant d’être extraites en fin février 2003 et transférées vers une destination inconnue.
Elles ont été accusées de tentative de coup d’Etat contre le pouvoir du chef de l’Etat Joseph Kabila. Il s’agit notamment de messieurs Assamgba Omari Mopere, Jules Agbiakindo, Wanga, Roger Ndenu, Bolasenge Roger, Nzuzi, Mosolo, Youssouf, Amisi, Michel, Kambo Wali, Takani, Ebende, Liahu Liongo Oscar, Selengbe Teto Jacques, Ngbelema Tutu Justin,…
Les épouses de certaines victimes qui ont haussé le ton pour condamner la disparition de leurs maris ont été nuitamment recherchées par des militaires.


10. Groupe Gaston Tulinabo et ses quatre frères


Ancien conseiller de monsieur Anselme Enerunga, monsieur Gaston Tulinabo Hamulonge est arrêté en septembre 2006 avec ses frères (Xavier Balymwabo Hamulonge, Kalungu Muyangendo, Antoine Mitaro et Bamwisho) au cours d’une mission de service à l’Est du pays. Les victimes sont transférées à Kinshasa accompagnées par le colonel Kekambezi et conduites directement aux cachots de la Direction de Renseignements Généraux de la Police (DRGS) pour leur détention. Il leur reproché d’être envoyés par l’ancien ministre Anselme pour préparer une rébellion et solliciter les services des marabouts pour chasser les interahamwe et ex FAR.
Dimanche 11 février 2007, monsieur Théophile Mutarumbu Munda (frère aîné de M. Anselme Enerunga est enlevé par colonel Dido Fataki, dispo au bataillon Q.G/EMG-FARDC et acheminé au cachot de la Garde républicaine (GR, ex GSSP) où il est présentement placé en détention sans aucun grief.


Conclusion et recommandations :


C’est pratiquement la consécration de l’arbitraire au sommet de l’Etat dans la mesure où des personnes arrêtées et détenues sur base d’aucune preuve matérielle continuent à croupir en prison pendant de nombreuses années, et ce, en dehors et en violation de toute procédure judiciaire dans un pays qui se veut pourtant un Etat de droit.
L’absence chronique de la volonté politique manifeste dans le chef des dirigeants porte à croire que tous les groupes de personnes en détention au CPRK sont des détenus personnels d’un poignet d’individus au pouvoir.
Par conséquent, la VSV en appelle urgemment à :
- l’organisation d’un procès juste et équitable en faveur de tous les détenus, sinon leur libération pure et simple ;
- la prise et l’application effective d’une mesure d’amnistie générale et non discriminatoire pour tous les détenus politiques, d’opinion et autres arrêtés pour faits de guerre ;
- l’indemnisation de certains détenus pour privation arbitraire de liberté, arrestation arbitraire et détention prolongée ;
- la poursuite de tous les auteurs et complices des arrestations arbitraires, détentions illégales et des exécutions sommaires et extra judiciaires ;
- la confirmation officielle par le gouvernement de l’exécution sommaire et extrajudiciaire du docteur Soso Gesevene Faustin, des militaires disparus à la DEMIAP en 2002, etc.

Fait à Kinshasa, le 15 février 2007
LA VOIX DES SANS-VOIX POUR LES DROITS DE L’HOMME (VSV).

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