27 mai 2007

RDCONGO: Joseph Kabila accusé de haute trahison et crimes contre l’humanité. Par


Des professionnels des droits de l’homme, des analystes politiques et des libres penseurs de la société civile du Congo-Kinshasa, réunis du jeudi 3 au vendredi 4 mai courant à l’initiative du Comité « Droits de l’Homme Maintenant » au Centre pour Handicapés physiques de Kinshasa, ont dégagé, dans une déclaration commune, des responsabilités au sujet des affrontements armés de Kinshasa du 22 au 24 mars 2007 qui avaient opposé d’un côté les militaires des forces armes congolaises (FARDC) relevant de l’Etat-major général, de la 7e Brigade, de la région militaire de la Ville de Kinshasa, de la garde dite républicaine, et de l’autre les militaires des FARDC commis à la garde rapprochée de Jean-Pierre Bemba Gombo, ancien vice-président de la République, aujourd’hui sénateur.
Au moment où le pouvoir AFDL-CPP-AMP-PALU s’emploie à consolider la nouvelle dictature, on ne peut ne pas saluer le courage de ces compatriotes qui ne sont pas allés par le dos de la cuillère pour dégager les responsabilités des affrontements fous de Kinshasa là où la MONUC, en dépit d’importants moyens financiers et humains qu’elle dispose, a choisi de pécher par inaction.
En effet, dans leur analyse des faits, faite sous la modération de Me Richard Bondo, de M.Rigobert Lelo et de Me Marie-André Mwila Kayembe, les auteurs de la déclaration, en revisitant le film des événements du 22 au 24 mars, posent une série de questions de fond, à savoir : quels étaient les objectifs et les résultats attendus des opérations militaires ? ces objectifs et ces résultats ne pouvaient-ils pas être atteints par d’autres moyens ou avec moins de moyens que ceux engagés ? Ces objectifs et résultats ont-ils été atteints ?
En effet, il ressort de la Déclaration commune que selon l’ultimatum lancé quelques jours avant par le chef d’Etat-major général avant le déclenchement des opérations militaires, l’objectif était de contraindre par la force les éléments commis à la garde rapprochée du sénateur Jean-Pierre Bemba qui n’avaient pas obtempéré à son ordre de se présenter à l’Etat-major général avec leurs armes d’exécuter cet ordre. L’exécution de cet ordre devait être assurée par le commandant de la Région militaire de la Ville de Kinshasa, le général Amisi, alias Tango fort, et le commandant de la 7e Brigade , le général de Brigade Nabiola.


L’échec de la transition !


Les auteurs de la Déclaration soulignent qu’en pleines opérations militaires, plus précisément dans la nuit du 22 mars, au moment où la garde républicaine était engagée dans les opérations militaires avec cent fois plus d’hommes et d’armes à potentialité destructive que la 7e Brigade, la région militaire et l’Etat-major général, le gouvernement par le biais de son ministre de l’Information annonçait que le sénateur Bemba et les éléments commis à sa garde portaient atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat. On se rappellera que ladite position a été confirmée par la suite par le gouvernement, par le président Kabila et par le procureur général de la République.
Dès lors, les auteurs de la déclaration commune posent la question de savoir si l’objectif des opérations militaires était de déjouer l’atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat. Ils y répondent par une autre interrogation : « comment expliquer que le sénateur Jean-Pierre Bemba ait tenté de porter atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat alors qu’au moment du déclenchement des opérations militaires ses propres enfants étaient à l’école sans protection particulière ni protection appropriée ? » Fait curieux, ajoutent-ils, les autorités officielles n’ont commencé à parler de l’atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat que quand les éléments de la garde républicaine ( la fameuse GSSP de Kabila) sont entrés en jeu ? Réponse : « déjouer une atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat ne s’impose donc pas comme l’objectif des opérations militaires du 22 au 24 mars, mais plutôt comme un prétexte pour justifier l’entrée en danse des unités d’élite et l’usage des armes à destruction massive ».
Tirant les enseignements des affrontements fous de Kinshasa tout en les restituant dans les contextes d’avant et d’après lesdits événements, les auteurs de la Déclaration commune sont formels : les opérations militaires du 22 au 24 mars sont l’une de multiples preuves de l’échec de la transition qui n’a pas réussi à réaliser les objectifs à lui assignés, à savoir la formation d’une armée nationale restructurée et intégrée, la restauration de l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire national, la réconciliation nationale et la pacification.
Et d’ajouter : « Comme la transition et les élections n’ont jamais réussi à transformer les chefs de guerre en démocrates du jour au lendemain, le président Joseph Kabila et le sénateur Jean-Pierre Bemba ne se sont pas dépouillés de l’esprit de belligérance qui a prévalu au Dialogue inter-congolais et tout au long du processus de transition. Si le président Joseph Kabila et le sénateur Jean-Pierre Bemba avaient placé les intérêts du peuple et de la patrie au-delà de leurs ambitions personnelles et leur boulimie du pouvoir, le désarmement des éléments commis à la garde du sénateur Bemba et leur brassage auraient pu être obtenus par la voie du dialogue et de la négociation ».
Dans le même ordre d’idées, la Déclaration commune met en cause le chef d’Etat-major de l’armée : « en agissant par ordre ou par excès de zèle, le Lt Général Kisempia a précipité les opérations militaires pour exprimer sa loyauté envers le Chef de l’Etat, et au même moment faire payer au sénateur Bemba les accusations de détournement de fonds affectés au fonctionnement de l’armée et à la solde des militaires portées à son endroit dans son intervention médiatique du 17 mars ».
Les auteurs de la Déclaration ne s’arrêtent pas en si bon chemin. Ils affirment que les objectifs réels des opérations militaires de Kinshasa du 22 au 24 mars étaient d’éliminer physiquement Jean-Pierre Bemba, de venger les éléments de la GSSP tombés lors des affrontements armés d’août 2006 avec la garde rapprochée de Bemba et punir les Kinois pour leur soutien au sénateur Jean-Pierre Bemba.


De la qualification et de l’imputation des faits : tous coupables !


Concernant les éléments de la garde rapprochée de Jean-Pierre Bemba, la Déclaration note le refus d’obéissance pour n’avoir pas obtempéré aux instructions du Chef d’Etat-major général des FARDC ordonnant à tous les soldats commis à la garde rapprochée des autorités de la transition de regagner l’Etat-major général aux fins du brassage. Il leur est imputé aussi la rébellion pour avoir opposé une résistance armée aux éléments de la 7e brigade envoyés pour les désarmer. Il s’agit des faits prévus et punis par les articles 91, 92 et 93 du Code pénal militaire.
Au passif des éléments de l’Etat-major général des FARDC et de la GSSP, il y a notamment le pillage des magasins, de la banque BIAC, des bureaux et résidences des particuliers (WOPPA, REDHOCIC…) ainsi que la résidence du sénateur Jean-Pierre Bemba. Il faut y ajouter l’extorsion des biens dans le chef des éléments des FARDC pour avoir, pendant qu’ils faisaient la ceinture dans les communes et quartiers environnants du centre ville, arraché les téléphones portables, les bijoux, l’argent et autres effets personnels des paisibles citoyens ; pendant qu’ils bouclaient et perquisitionnaient les résidences du quartier Kingabwa où, selon la rumeur persistante, se seraient retranchés les éléments commis à la garde de Jean-Pierre Bemba, raflé et arraché des appareils électroménagers, des téléphones portables, les bijoux, de l’argent et autres effets personnels.
Il s’agit là des faits prévus et punis par les articles 84 et 85 du Code pénal ordinaire. S’ agissant singulièrement de la garde présidentielle, l’ex-GSSP dite garde républicaine, il est mis en exergue les atteintes aux droits garantis aux particuliers dans le chef des éléments de la garde républicaine. Et pour cause, avoir empêché le parti politique Mouvement de Libération du Congo (MLC) de fonctionner, en occupant son siège et en y interdisant l’accès à ses membres ; mais également empêché les médias (télévisions et radios) proches du MLC de fonctionner en occupant les installations de ses médias et en y interdisant l’accès à ses journalistes et agents.
Au sénateur Bemba Gombo, il est mis à charge l’incitation des militaires à commettre les actes contraires au devoir et à la discipline dans le chef pour avoir encouragé les éléments des FARDC commis à sa garde à désobéir à l’ordre de l’Etat-major général et à opposer une résistance aux agents de la Force publique dépêchée pour obtenir leur désarmement et au besoin les y contraindre par la force. Il s’agit des faits prévus et punis par l’article 88 du Code pénal militaire.
Aux éléments de FARDC de l’Etat-major général et de la GSSP, il est imputé des crimes contre l’humanité et violations massives et caractérisées des droits de l’homme pour avoir détruit des biens immeubles civils et emporté des biens meubles qui s’y trouvaient alors que cela n’était pas justifié par des nécessités militaires ; lancé une attaque meurtrière en pleine ville avec un armement d’une dangerosité et d’une potentialité destructive sans commune mesure ; lancé des obus dans des installations de la société pétrolière SEP tout en sachant que cette attaque causera des pertes en vies humaines, des blessures aux personnes civiles et des dommages aux biens à caractère civil ; continué toute la nuit du 22 au 23 mars l’attaque contre le sénateur Bemba et sa garde rapprochée avec l’armement lourd alors que le sénateur Bemba avait déjà demandé un cessez-le-feu. Tous ces faits sont prévus et punis par l’article 166 du Code pénal militaire dans ses points 7,11,12 et 14 qui prescrit que constituent des crimes contre l’humanité les infractions graves énumérées ci-après portant atteinte par action ou par omission aux personnes et aux biens protégés par les Conventions de Genève du 12 août 1949 et les protocoles du 8 juin 1977 sans préjudice des dispositions pénales plus graves prévues par le Code pénal ordinaire :la destruction ou l’appropriation des biens non justifiées par les nécessités militaires, le fait de lancer une attaque sans discrimination atteignant la population civile ou des biens à caractère civil tout en sachant que cette attaque causera des pertes en vies humaines, des blessures aux personnes civiles ou des dommages aux biens à caractère civil qui seraient excessives par rapport à l’avantage militaire concret et direct attendu ; le fait de soumettre une personne à une attaque tout en la sachant hors de combat.


Haute trahison, crimes contre l’humanité et violations massives et caractérisées des droits de l’homme.


C’est en sa qualité de commandant suprême des Forces armées lui reconnue par l’article 83 de la Constitution que Joseph Kabila est accusé de haute trahison de crimes contre l’humanité et des violations massives des droits de l’homme. Et pour cause, avoir violé intentionnellement la constitution en ses articles 187 et 188 pour avoir mis les forces armes en mouvement et les avoir dotées d’un matériel de guerre de destruction massive dans une opération de maintien d’ordre public. La Déclaration signale, pour plus de précision, que Kabila Kabange a mis en mouvement les forces armées en vue du désarmement des éléments de l’armée commis à la garde de JP Bemba alors qu’il sait pertinemment que les forces armées ne peuvent être mis en mouvement qu’en cas de menace sur l’intégrité du territoire ou aux frontières.
En sa qualité d’auteur intellectuel, Kabila, souligne la Déclaration, a cautionné et doit assumer les violations graves et caractérisées des Droits de l’homme qualifiées des crimes contre l’humanité dont se sont rendus coupables sur terrain les éléments des FARDC de l’Etat-major général et de la GSSP dans les événements du 22 au 24 mars 2007.
Il s’agit là des faits prévus par les articles 165, 187 et 188 de la constitution qui disposent que sans préjudice des autres dispositions constitutionnelles, il y a haute trahison lorsque le président de la République viole intentionnellement la Constitution ou lorsque lui ou le premier ministre sont reconnus auteurs, co-auteurs ou complices de violations graves et caractérisées des droits de l’homme, de cession d’une partie du territoire national.


Complicité de la MONUC !


La Mission de l’ONU au Congo à démocratiser est pour sa part accusée de complicité dans la commission des crimes contre l’humanité et violations massives et caractérisées des droits de l’homme perpétrées par les éléments de l’Etat-major des FARDC et de la garde républicaine pour avoir assisté, avec complaisance, lesdits éléments dans les faits qui ont facilité et consommé la confrontation armée généralisée desdits crimes contre l’humanité et violations des droits de l’homme.
Très concrètement, il est reproché à la MONUC d’avoir, alors qu’elle était informée de l’imminence de l’offensive des éléments de l’Etat-major et de la garde républicaine et de la potentialité de destruction massive des armes de guerre en leur possession et de la résistance qu’allaient opposer les éléments commis à la garde de JP Bemba, facilité cet affrontement en retirant son dispositif militaire et ses unités blindées interposés depuis un certain temps entre les factions belligérantes et positionnées dans les coins stratégiques de Kinshasa.
La MONUC est surtout accusée de non assistance à population en danger pour avoir retiré ses troupes du terrain des hostilités en les cantonnant dans ses installations, les yeux fermés sur le carnage qui s’en est suivi.


Pour une journée nationale en mémoire des victimes de la barbarie et de la folie meurtrière.


Tirant les leçons des affrontements fous du 22 au 24 mars à Kinshasa, les participants à l’atelier qui a réuni les activistes des droits de l’homme, les analystes politiques et les libres penseurs de la société civile ont décidé de mettre en place un comité de suivi des affrontements de Kinshasa du 22 au 24 mars. Objectifs : recenser, documenter et constituer une banque de données sur les victimes desdits événements en vue de les accompagner dans les actions en réparation de préjudice et dans l’assistance médicale ; obtenir par diverses actions des sanctions appropriées à l’endroit des auteurs des crimes contre l’humanité et violations massives et caractérisées des droits de l’homme ; obtenir la libération de toutes les personnes arrêtées et détenues irrégulièrement à la suite desdits événement. Enfin, et c’est curieux, la déclaration souhaite tout de même qu’une médiation soit engagée entre le président Kabila et le sénateur Bemba en vue d’une solution politique à leur niveau. Soit !
Invités à participer à l’atelier qui s’est penché sur les événements sanglants du 22 au 24 mars à Kinshasa pour éclairer les participants, les ministres des Droits humains, Me Lokwa, et son collègue de l’information, Toussaint Tshilombo Send, se sont excusés, tandis que le ministre de la Défense, Tshikez Diemu et le général Kisempia ont brillé par leur absence. C’est le contraire qui aurait étonné.


Par Francine Tshiala Biselele et Pierre Kalambayi Misasa

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