01 octobre 2010

RDCONGO: Un rapport de l'ONU pourrait ouvrir la voie à des procès pour génocide

Le 14 novembre 1996, des hommes armés ont encerclé le camp de réfugiés de Mugunga dans l'est du Congo-Kinshasa et commencé à tirer alors que les civils tentaient de fuir ou de se mettre à l'abri. En trois jours, des centaines d'enfants, de femmes et d'hommes sont morts, selon des témoins et des preuves collectées à partir de fosses communes.
Un rapport onusien, rendu public vendredi, sur les violations les plus graves des droits de l'Homme commises pendant dix ans en République démocratique du Congo (RDC) souligne que les crimes perpétrés à Mugunga pourraient être l'un des nombreux épisodes susceptibles de constituer des actes de génocide de la part des soldats rwandais, lesquels traquaient à l'époque les rebelles hutus auteurs du génocide au Rwanda en 1994.
Le rapport de près de 600 pages, établi sous la gouverne du Haut Commissariat aux droits de l'Homme, pourrait déclencher de nouveaux appels à des enquêtes criminelles pour déterminer si les soldats rwandais et d'autres se sont rendus responsables de crimes de génocide au Congo-Kinshasa.
La divulgation dans la presse d'une version préliminaire du rapport avait provoqué la colère du Rwanda, qui a menacé de retirer ses troupes des missions de paix de l'ONU. Kigali a de nouveau protesté à l'occasion de la publication du document: l'accusant de présenter des "défauts" et le qualifiant de "dangereux du début à la fin", la ministre rwandaise des Affaires étrangères Louise Mushikiwabo a dénoncé une tentative de réécrire l'histoire.
Dans une réponse écrite aux Nations unies, le gouvernement de Kigali a assuré que ses troupes "n'avaient jamais fait usage d'armes dans le camp" de Mugunga et que les meurtres de civils n'avaient commencé qu'au moment où des rebelles armés à l'intérieur du camp avaient tenté d'empêcher les gens de fuir. Quand les affrontements ont éclaté, a-t-il argué, les civils qui faisaient office de boucliers humains pour les rebelles sont morts dans les tirs croisés.
Ce rapport comprend la description de 617 incidents violents présumés survenus en RDC entre mars 1993 et juin 2003. Une période qui constitue "l'un des chapitres les plus tragiques de l'histoire récente" du pays au regard de la "série de crises politiques majeures, de guerres et de nombreux conflits ethniques et régionaux qui ont provoqué la mort de centaines de milliers, voire de millions, de personnes" pendant ces dix ans.
Plus d'un million de Hutus, dont les auteurs du génocide de 1994 au Rwanda, ont fui vers la RDC, où les forces rwandaises sont ensuite intervenues.
Le document est le résultat du travail de 33 personnes, qui ont passé plus de six mois, d'octobre 2008 à mai 2009, à "dresser l'inventaire des violations les plus graves des droits de l'Homme et du droit international humanitaire". Outre l'analyse de plus de 1.500 documents relatifs à ces violations, les équipes ont rencontré sur le terrain plus de 1.280 témoins.
Le rapport souligne "l'urgence et la nécessité d'adopter un mécanisme de justice complémentaire, ne serait-ce que pour juger les plus hauts responsables des plus graves violations commises".
Des défenseurs des droits de l'Homme et le gouvernement de la RDC ont salué la publication du texte, appelant à mettre en oeuvre ses recommandations sur la comparution en justice des responsables des crimes. L'ambassadeur de RDC auprès des Nations unies, Ileka Atoki, l'a qualifié de "déchirant" et "terrifiant". "Les victimes méritent que justice soit rendue et que leur voix soit entendue par mon gouvernement et la communauté internationale", a-t-il dit.
Amnesty International, par la voix de Véronique Aubert, directrice adjointe du programme Afrique, a de son côté salué une "enquête très approfondie" et souhaité "que des mesures soient prises".
"Suivi d'une action régionale et internationale ferme, ce rapport pourrait constituer une contribution majeure à la fin de l'impunité qui sous-tend le cycle d'atrocités dans la région africaine des Grands Lacs", a observé Kenneth Roth, directeur exécutif d'Human Rights Watch.
Dans cet "inventaire" accablant, l'ONU décrit notamment comment, le 15 février 1997, des soldats rwandais ont tué quelque 200 réfugiés près de Kigulube: "Un groupe d'une soixantaine de réfugiés a notamment été enfermé dans une maison que les militaires ont ensuite incendiée. Les corps des victimes ont été jetés dans des fosses communes".
"Dans certains cas", le rapport évoque "la possibilité que des actes de génocide aient été commis", a déclaré la Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'Homme Navi Pillay, ajoutant que le document souligne que les "questions ne peuvent être tranchées que par un tribunal compétent".
Source: AP par Frank Jordans

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