Etienne Tshisekedi, © AFP
Une démonstration de force qui, au fil des heures, a tourné à l’épreuve de force tout court. Récit d’une journée surréaliste, de chassés croisés entre les aéroports, de « guerre des stades », de face à face tendus, marquée par la mort d’au moins une personne. Mais d’autres sources évoquent deux morts.
Initialement le programme était simple : après une longue tournée en province, MM. Kabila et Tshisekedi devaient haranguer une dernière fois leurs militants à Kinshasa, une ville plus acquise à l’opposition qu’au parti de Kabila, le PPRD.
Pour cette « apothéose », chaque camp avait annoncé un lieu et une heure, pour mobiliser au maximum. Premier accroc : le président et son principal concurrent, tous deux encore en province, choisissent… le même stade, celui des Martyrs, le plus grand de la ville avec ses 80.000 places.
M. Tshisekedi se rabat vite sur un autre endroit : le boulevard Triomphal et la place du Cinquantenaire, tout proche du stade. Trop près.
D’autant plus qu’une autre « grosse pointure » de l’opposition, Vital Kamerhe, devait pour sa part tenir un meeting dans un autre stade proche, celui de Tata Raphaël.
L’ambiance devient électrique. Militants des deux bords se toisent, s’invectivent. Tandis que les pro-Kabila arrivent sans problème au stade, la police disperse les pro-Tshisekedi au gaz lacrymogène.
À l’aéroport international N’Djili, d’autres militants de l’Union pour la Démocratie et le Progrès social (UDPS) attendent par milliers M. Tshisekedi, 78 ans, étroitement surveillés par la police. L’attente se prolonge sous un soleil brûlant.
L’arrivée du convoi du gouverneur de Kinshasa, un pro-Kabila, André Kimbuta, déclenche les premiers jets de pierres. Celle d’un petit détachement de la police militaire armé de mitraillettes ne fait que redoubler la colère des pro-Tshisekedi qui sont repoussés avec des grenades lacrymogènes.
Le convoi, vide, du président débarque aussi à l’aéroport international, où le Premier ministre Adoplhe Muzito et le chef du parti au pouvoir, Evariste Boshab, poireautent au salon d’honneur. Il se prend aussi quelques pierres. M. Kabila atterrira finalement mais ailleurs.
Pendant ce temps, M. Tshisekedi est toujours bloqué sur un aéroport de Matadi, dans le Bas-Congo (ouest). Pas le droit de se poser à l’aéroport international où l’attend son comité d’accueil.
Coup de théâtre : M. Kimbuta interdit tous les meetings, après la mort d’un homme, tué par une pierre reçue en pleine tête.
« Au nom de la sécurité publique », justifie le gouverneur de la ville-province de Kinshasa, qui accuse les pro-Tshisekedi d’avoir « des machettes, des couteaux, des grosses pierres, et même des cocktails Molotov ».
M. Tshisekedi ne le sait même pas lorsqu’il atterrit enfin… sur un autre aéroport, N’Dolo, tout proche de Kinshasa et où l’a devancé de quelques heures le président.
« Ah bon ? Eh bien je vais quand même faire un grand meeting aujourd’hui », dit-il à l’AFP avant de partir en voiture… pour l’aéroport international.
« Qu’est-ce qu’il représente ce gouverneur-là ? Vous allez voir s’il va oser venir au stade m’empêcher de tenir mon meeting », tonne-t-il.
A N’Djili, M. Tshisekedi avec son éternelle casquette s’engouffre dans un 4x4. Direction Kinshasa, debout par le toit ouvrant, façon command-car. Dehors, les grenades lacrymogènes pleuvent sur ses partisans. Il ne fera que quelques centaines de mètres sur la bretelle qui conduit à la route principale : son Humer rouge tombe sur un barrage de 4 pick-ups et un camion blindé de la police. Le chef de la police, le général Charles Bisengimana, est sur place avec 300 de ses hommes.
La nuit tombe, le face à face s’enlise. M. Tshisekedi s’est rassis dans son 4x4. La police lui a donné le choix : il peut repartir…
avec un policier au volant, ou dans une voiture de police, sinon il est bloqué jusqu’à minuit. Réponse : « Je ferai mon meeting après minuit. » Soit après la fin officielle de la campagne.
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