Durant deux heures, deux hommes en danger, les présidents Kabila et Kagame,
se sont entretenus à Kampala, en tête à tête et le lendemain, en compagnie de
leur hôte, le président Museveni, ils ont appelé le mouvement rebelle M23 à se
retirer de Goma.
A première vue, le président du Rwanda, Paul Kagame, est le plus sûr de lui.
Officiellement, il n’est pour rien dans les ennuis de son voisin et propose même
ses bons offices politiques. En réalité, nul n’est dupe et chacun sait que le
M23 n’est que l’ombre portée du pouvoir rwandais. Même si les blâmes sont encore
feutrés et les sanctions timides, l’aura du Rwanda est entamée, les
rapports des experts ont relativisé les succès économiques du pays, les liant à
l’exploitation des ressources congolaises.
Le « bon élève » est désormais montré du doigt. Mais Kagame, même si à
Kampala il les a ouvertement désavoués, a-t-il un autre choix que soutenir en
sous main les rebelles du Congo ? Son pouvoir est moins homogène qu’on ne le
croit : à l’heure où le passage à l’opposition des généraux Kayumba et Karegeya,
anciens piliers du Front patriotique, a affaibli les cercles du pouvoir, le
soutien des officiers francophones est plus indispensable que jamais. Et ces
derniers entretiennent avec les Tutsis du Kivu des liens d’affaires, de famille,
de solidarité. Si Kagame devait être « partie de la solution » et abandonner ses
harkis congolais, cela pourrait lui coûter cher sur le plan intérieur.
Mais des deux hommes, c’est sans contexte le président du Congo,
Joseph Kabila, qui est dans la plus mauvaise posture, à très court terme,
humilié qu’il est par la chute de Goma et de Sake aux mains de la rébellion du
M23.
A travers le Congo, les manifestations se multiplient, elles dénoncent
l’impuissance des Nations unies mais surtout l’incurie d’un pouvoir
extraordinairement discrédité, accusé d’incapacité, d’indifférence mais aussi de
félonie. A Kinshasa, le chef de l’Etat pourrait être mis en difficulté devant la
Chambre et le Sénat, et plus d’une centaine d’élus, au lieu d’en appeler à
l’unité nationale, ont préféré réclamer la démission du chef de l’Etat, exigence
qui est aussi celle des rebelles.
Sonné par la défaite, Kabila doit choisir entre deux dangers : ou bien il
négocie avec le M23 et répond, s’il n’est pas trop tard, à certaines de ses
revendications (les grades, les soldes mais surtout le maintien d’une « armée
dans l’armée » et la garantie de l’impunité) et il se soumet aux ukases
politiques. Un tel choix, inévitablement, confortera l’accusation de trahison,
de collusion avec l’ennemi.
Ou alors le chef de l’Etat, garant de l’intégrité de la nation et des
institutions, oppose aux rebelles une fin de non recevoir, refuse leur
réintégration autant qu’une négociation imposée par la force des armes,
largement étrangères de surcroît. Cette position est déjà celle du premier
ministre, qui déclare que le Congo a perdu une bataille, mais pas la guerre.
Dans ce cas, tout pourrait s’accélérer : déjà les habitants de Bukavu se
terrent, attendant la chute de leur ville, des groupes armés « dormants » ou
dispersés apparaissent dans d’autres provinces, des opposants descendent dans la
rue à Kinshasa et dénoncent le régime. A toutes fins utiles, des ambassades,
préparant le scénario du pire, peaufinent des plans d’évacuation. Mais le pire
est-il inévitable ?
A Kinshasa, on rappelle que, voici deux semaines, l’ambassadeur
d’Angola avait déclaré que son pays ne permettrait jamais que l’on porte
atteinte à l’intégrité du Congo tandis que les représentants de la SADC
(Conférence des Etats d’ Afrique australe), après enquête à Goma, s’étaient
déclarés convaincus de l’implication étrangère.
De Tombouctou, où les Etats d’Afrique de l’Ouest se préparent à intervenir
contre les islamistes, à Goma qui pourrait bénéficier de la sollicitude armée de
l’Afrique australe, les organisations régionales africaines, tirant la leçon de
l’impuissance onusienne et de l’hypocrisie occidentale, pourraient représenter
un élément imprévu…
Source: lesoir.be
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