Que
reste-t-il au président de la RD Congo après avoir épuisé toutes ses ressources
pour briguer un troisième mandat, clairement interdit par la constitution ?
Joseph Kabila, a, jusqu’à aujourd’hui, tout essayé ou presque. Il a tenté de
modifier la constitution pour s’autoriser un troisième mandat et devant le
blocage imposé par l’opposition, il a élaboré un autre stratagème. Il a voulu
lier les élections à un recensement général de la population. Là aussi,
l’opposition a été vigilante. Elle a vite compris que le président voulait
retarder le plus longtemps possible des élections auxquelles, il ne pouvait
plus se présenter.
L’opposition
se nourrit bien entendu des positions des hommes qui l’animent et qui veillent
au bon déroulement du processus démocratique. L’un des hommes politiques les
plus en vue est Moïse Katumbi Chapwe, le très populaire gouverneur du Katanga.
Il faisait partie de la majorité présidentielle, jusqu’à ce que le président
affiche ses velléités de torpiller le texte fondamental du pays. Il n’était pas
question pour le gouverneur de participer à ce hold-up politique qui pourrait
avoir de graves conséquences sur la sécurité et donc sur le développement du pays.
Bien qu’il n’ait pas encore déclaré sa candidature à la présidentielle, moïse
Katumbi est vu comme le rival le plus sérieux du président sortant. Ses chances
sont grandes selon les observateurs de la scène politique de la République
démocratique du Congo. Pour Joseph Kabila, cette volte-face de celui qu’il
considère comme son représentant dans la puissante région du Katanga, ne peut
être tolérée et encore moins rester impunie. Il a commencé par nettoyer
l’entourage du jeune gouverneur, en renvoyant ses plus proches collaborateurs,
surtout les responsables des régies financières de la région, une manière de
l’isoler et de le couper de ses soutiens les plus fervents.
Ensuite,
on est vite passé à d’autres méthodes plus offensives. En octobre 2014,
rapporte Congo Times, les services de sécurité ont déclaré avoir saisi des
conteneurs appartenant à Moïse Katumbi, avec deux hélicoptères en pièces
détachées et des véhicules de terrassement, prétextant que ce matériel pourrait
dissimuler des armes et des munitions. Le site rapporte également les propos de
certaines sources qui concluaient qu’il s’agissait d’un « montage orchestré par
le régime pour se débarrasser d’un encombrant gouverneur du Katanga candidat
probable à la présidentielle de 2016 ». Katumbi venait en fait de révéler
qu’une grande partie des 600 millions de dollars US versés par la région au
Trésor public avait été dirigée vers le compte personnel du président Kabila.
La tentative du président de réduire au silence son rival n’ayant débouché sur
rien de concret, il a fini par demander la démission dans les 48 heures du
gouverneur par le biais du président de l'assemblée provinciale du Katanga
Gabriel Kyungu Wa Kumyanza, reçu le 25 décembre 2014 dans a ferme privée de J.
Kabila près du parc de Kundelungu au nord-est de Lubumbashi, précise Congo
Times. La demande de démission était plus claire lorsque ministre de la
Communication et porte-parole du gouvernement, Lambert Mende Omalanga a
signifié lors du point presse du 9 janvier une mise en garde de révocation au
gouverneur Katumbi Chapwe. « Il est le représentant du chef de l’État, donc
s’il veut toujours être gouverneur, il a intérêt à ne pas dépasser certaines
limites ». La menace se confirme. L’« invitation » à la démission était
néanmoins agrémentée d’une menace très sérieuse en cas de refus. Un mandat
d’arrêt serait lancé contre Katumbi avec des motifs pour le moins terribles,
dont tentative de coup d’Etat, atteinte à la sécurité intérieure de la
République Démocratique du Congo, détention d’armes de guerre, terrorisme,
entre autres.
Graves
accusations qui peuvent envoyer n’importe qui en prison pour le restant de ses
jours. Moïse Katumbi aurait néanmoins la possibilité de quitter le pays avant
l'exécution du mandat. Il ne serait pas blanchi mais resterait un fugitif toute
sa vie. Résultat, Moïse Katumbi est toujours à son poste. La constitution le
lui permet. De fait selon les termes de l’article 3 de la Constitution du 18
février 2006, les gouverneurs de provinces et leurs adjoints sont élus au suffrage
universel indirect par des députés provinciaux, ils sont donc investis et non
nommés par le président. Moïse Katumbi jouit ainsi d’une légitimité électorale
contre laquelle le président ne peut rien. Si le gouverneur est donc
indéboulonnable, pourquoi ne pas diviser le Katanga en quatre régions et
réduire ainsi le pouvoir de Katumbi ? Le président y a pensé. Mais là aussi, ce
ne sera pas chose facile, les Katangais pourraient se révolter. Jusqu’où ira
donc le président pour débarrasser son chemin du plus gros obstacle à la
perpétuation de son règne à la tête de la RDC ? A-t-il épuisé toutes les
ressources ? Il y a plus inquiétant que faire démissionner un gouverneur,
réduire son territoire pour diminuer son influence ou lancer un mandat d’arrêt
contre lui.
La solution définitive. Les médias congolais parlent de
l’intervention d’un autre acteur dans ce différend entre le président et son
rival. Il s’appelle John Numbi Banza Tambo et est surtout connu dans l’affaire
du double assassinat du défenseur des droits de l’homme Floribert Chebeya
Bahizire et de son chauffeur Fidèle Bazana Edadi. John Numbi Banza Tambo qui
était patron de la police nationale congolaise, aurait été chargé par Joseph
Kabila de liquider le dangereux rival.
Des
sources proches du renseignement militaire à Kinshasa, cités par des médias
congolais, ont indiqué que John Numbi a effectué un bref séjour dans la
capitale congolaise où il aurait eu plusieurs séances de travail avec, ce que
certains appellent les « bad guys » chargés d’exécuter les « basses œuvres » du
président. On rapporte également que ce personnage, auparavant en disgrâce,
aurait dit à propos de Moïse Katumbi que celui-ci «menace la pérennité de notre
pouvoir. Il est le seul rival capable de faire ombrage au raïs ». Une source
militaire, citée par des média congolais, affirme que John Numbi avait
participé, le 5 janvier de cette année, à une rencontre entre Joseph Kabila et
des notables katangais dans la ferme de Kashamata. Là, le sort de Katumbi
aurait été le principal menu du jour. John Numbi aurait offert ses services
pour abattre Moïse Katumbi, confie la source proche du renseignement,
proposition qui aurait reçu le feu vert du président. Les démons de l'Afrique
des complots et des assassinats politiques ne seraient-ils pas à jalais
enterrés?
PAR ERIC HERIOT
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