31 décembre 2005

RDC: 7ème anniversaire du massacre de MAKOBOLA




Une analyse de l'Abbé BULAMBO JACQUES

evDant le doute et l'obscurite, entretenus peut-etre, sur les evenements tristes et horribles de MAKOBOLA, ayant une certaine information verifiee apres descente sur terrain et plusieurs investigations, nous nous sentons dans l'obligation de ne pas taire ces agimissements des ‘sans voix' ; en relatant l'historique des evenements.
De fait, nous avons ete sur place pour les festivites de Noel du 24 au 25 decembre. Nous avions celebre la messe de la veillee dans le calme car les militaires rebelles du RCD venaient d'enlever leur position de MAKOBOLA I qui se trouvait l' ecole primaire de Makobola et occupant la salle polyvalente de la jeunesse. C'etait la joie car il n'y avait plus de tracasserie et nos salles itaient liberees.

Cette joie de Noel va etre ephemere, car les militaires rebelles ayant quitte MAKOBOLA I, avaient traverse le pont pour placer leur position dans MAKOBOLA II qui est deja dans la zone de Fizi, territoire BEMBE. Pour ce dernier c'etait une provocation, l'occupation de terre de leurs ancetres par les etrangers BANYAMULENGE. C'est ainsi que le mardi 29 decembre 1998 a 17h00, ils vont envoyer un message annoncant leur attaque pour deloger ces militaires Tutsi Banyamulenge. Et exactement a 17h30' ils avaient attaque et mis en deroute les troupes Banyamulenge dont le salut etait dans la fuite apres avoir perdu certains d'entre eux. Notons que tout ceci se passe dans MAKOBOLA II de l'autre cote du pont et MAKOBOLA I restait encore intact. Jusqu'au mercredi 30 decembre au matin, les May May etaient les maitres du village.

Vers 10h00 de ce mercredi 30 decembre 1998, la nouvelle circulait deja que les renforts des troupes rebelles + Banyamulenge etaient en route. En fait, ceux-ci etaient venus a bord des camions a partir d'Uvira et a 10h00, ils s'etaient arretes dans les tournants de LWANGA, a peu pres 5 km de MAKOBOLA I a un endroit qu'on appelle HAINDAVA. A partir de la, ils ont quitte les camions pour continuer a pied. Les May May ayant appris leur arrivee, se retirent du village pour regagner les montagnes. Les rebelles Banyamulenge, des leur entree dans le village Makobola I, la premiere personne rencontree c'etait une pauvre maman repondant au nom de NABYOCUCWA ; elle fut la premiere a etre tuee dans le quartier KASENYA. En evoluant sur leur route, les tueurs arriverent a la maison de DUNIA ILUTA. C'est par la qu'ils ont commence non seulement a tuer mais aussi a bruler les maisons. Celle de ce dernier fut la premiere et de la, les maisons vont etre incendiees par ces tueurs Banyamulenge jusqu'a KAHAMA. La sale besogne a continue avec une cruaute terrible et ce fut un mercredi noir pour ces paisibles habitants de Makobola. Certains etaient brules vifs dans des maisons, d'autres tues a l'arme blanche, d'autres encore par balle.

C'est dans ce carnage que nous avons perdu entre autres notre Mwongozi NDAMA RUSANGIZA (Catechiste responsable) de la diaconie (secteur) de Makobola. Et au sujet de sa mort, nous avons le temoignage du sous-directeur de notre ecole de Makobola BWASHALI, qui a quasi echappe par miracle avec sa famille. Celui-ci etait le voisin du Mwongozi NDAMA RUSANGIZA. Selon lui, quand les Banyamulenge sont venus en tirant des coups des balles sur tout ce qui bouge, lui et son ami voisin Ndama s'etaient retires chacun dans sa maison et ferme la porte. Quand ces tueurs sont arrives chez eux, ils ont rencontre une maman, devant sa maison et lui ont demande "avec qui es-tu ?". Celle-ci repondra innocemment "avec ma fille." On lui demanda de la faire venir et a la sortie de la jeune fille de la maison accompagnee de sa vieille mere, la fille sera recue par une balle au ventre et la maman par une balle a la poitrine.

Tout cela aux vues du directeur qui observait les choses a partir d'un trou de sa fenetre. Apres ces deux, on allait faire sortir le Mwongozi NDAMA de sa maison et celui-ci criait "Mimi ni Docta wenu" - (Je suis votre infirmier) car etant aussi responsable du Centre de Sante de Makobola. Il soignait tout le monde sans distinction. Ils l'ont amene jusque la a la salle polyvalente des jeunes qu'ils occupaient une fois de plus depuis ce jour-la. C'etait a 16h00 de ce mercredi 30 decembre 1998. Une maman FEZA, voyant qu'on venait d'amener leur Mwongozi, va les suivre en criant derriere eux : "Sababu gani munataka kumwua mtu bila kosa ?" En depit de cela, on va le trainer derriere la maison de l'enseignant BYAMUNGU et l' on va l'abattre au moyen d'une balle a la tete. Il va s'ecrouler avec son chapelet dans une main et des sachets des comprimes dans l'autre ceci selon le temoignage des deux garcons qui l'ont enterre le samedi 02 janvier 1999 a l'endroit-meme. La pauvre maman FEZA qui plaidait pour lui recut aussi un coup de couteau mais prit la fuite. Mais elle sera tuee apres les tueries de MAKOBOLA II. Le pauvre sous-directeur, etait toujours pris de panique dans sa maison en chambre avec sa femme, ses 11 enfants et son beau-frere. On ouvrit aussi sa porte du salon mais sans penetrer dans la chambre. On amena deux cadavres dans son salon, les cadavres de la maman et de sa fille tuees a sa vue ; on mit le feu sur la maison de cette femme tuee et sur la maison du directeur aussi. Quelle panique! La maison brulait et lui etait la dedans avec toute sa famille. Il etait deja vers 19h00.

Il se decida de quitter par l'autre porte de derriere et reussit a atteindre la brousse. En effet, si les gens ne fuyaient pas c'est parce qu'ils croyaient que ca serait comme lors de la guerre de 1996 car a Makobola a cette epoque les militaires n'avaient pas ouvert les maisons. Ce qui est le contraire pour cette bande nouvelle des tueurs Banyamulenge me disaient-ils. Les massacres ont continue jusqu'a MAKOBOLA II et ses quartiers, a Bangwe, a Katuta, a Mikunga, a Ngalula, a Kasekezi, a Lamba, a Munene, a Kahama...
A NGALULA et KAHAMA, pour attraper les gens ils ont utilise une methode. Ils ont attrape un garcon du clan des BASHAUNGU et on lui forca de crier pour dire aux gens qu'il y a maintenant la paix et les convaincre de retourner au village. A la sortie de leurs cachettes, les gens, hommes et femmes, enfants, jeunes et vieux furent mis dans des maisons et brules vifs. Cependant un jeune du nom de BULENGE s'echappa par la fenetre mais toute sa famille fut brulee. Il est en vie et il temoigne de tout ce qui s'est passe a Kahama. Celui qui a guide l'operation c'est l'Afande SHETANI, un Munyamulenge aide par l'enfant de MUCHENGEZI qui repond au nom de BYAMUNGU et l'enfant de MUNYAKAZI qui repond au nom de VIRINGIRO et selon les temoins, ce sont ces deux qui auraient abattu le Mwongozi Ndama. Les massacres se sont accompagnes du pillage auquel moi-meme j'ai assiste.

En plus de ceci, nombreuses sont les personnes tuees dans leurs cachettes dans la brousse. Ayant appris la nouvelle des massacres, j'ai pris la route vers la mais c'etait impossible pour moi d'atteindre le lieu car les militaires n'en voulaient pas. Le mercredi 13 janvier, j'ai force le passage jusqu'a Makobola, mais a mon arrivee j'etais directement arrete par les militaires qui ne voulaient pas que j'entre en contact avec qui que ce soit ou voir quoi que ce soit meme notre Eglise. Le Mwongozi second, un rescape du massacre qui etait venu me saluer, etait chasse comme un chien et poursuivi apres mon retour a Uvira. Apres debat, on me permettra d'arriver pas a l'Eglise mais a la maison du Mwongozi Ndama pour voir l'etat de la maison car j'etais avec la femme et les enfants de celui-ci. Nous nous sommes rendus a la maison, la femme et les enfants en pleur deja a la vue des maisons brulees mais pour m'eviter tout contact, j'etais escorte par une quinzaine des militaires jusque dans la maison depouillee de tout! Au retour ils nous ont meme escorte tout le long de la route pour ne pas nous arreter et parler aux gens. C'est seulement apres plusieurs interventions aupres de leurs autorites a Uvira qu'on me permettra d'aller visiter la tombe du Mwongozi Ndama et de dire la messe aux chretiens et combien de chretiens ma foi! C'etait le dimanche 17 janvier 1999.
En bref, je peux dire que de mes propres yeux (mei occulis urdi) j'ai vu les maisons brulees en grand nombre, les pillages, une population non seulement demunie mais aussi pillee et appauvrie. Une multitude de veuves et orphelins sans assistance !
En annexe, voici la liste des personnes tuees identifiees et des maisons brulees. J'y joins aussi le contenu du texte de la communaute Bembe presente lors du siminaire de reconciliation tenu a Uvira pour avoir une idee de la genese du conflit Bembe et Banyarwanda.
[ Suit une longue liste de plus de 490 victimes identifiees par leurs noms et ages, 103 maisons incendiees avec adresses et nom du "responsable" (chef de famille?), ainsi que des indications sur des temoins survivants, etc. Nous tenons tout cela a la disposition de toute personne interessee sur simple demande. Le texte (en swahili) des Bembe dont parle l'abbe est aussi disponible, mais il n'est pas date. Puisqu'il s'agit d'un texte presente, d'apres l'abbe, au cours d'un "seminaire de reconciliation", on aurait souhaite le mettre en parallele avec un autre texte (si un tel texte existe) qui aurait ete presente par les banyamulenge au cours du meme seminaire.]

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