11 août 2006

RDCONGO: Sans une éducation civique permanente: La démocratie congolaise souffre de crise de qualité


Datant d’avril 1990, la démocratie en RD du Congo montre de nombreux ratés. Au Kivu, par exemple, les populations ont dit massivement oui à une constitution qu’elles n’avaient jamais vue ! Au Bas-Congo, un candidat a battu ses concurrents aux législatives pour avoir distribué, la veille, un bol de riz et l’équivalent de 4 dollars à chaque famille. C’est à se demander si l’analphabétisme et la vulnérabilité économique ne sont pas un frein à l’expansion de la démocratie. Le dimanche 30 juillet 2006, quelque 25 millions de Congolais se sont pressés devant les bureaux de vote déployés sur l’ensemble du territoire national. Avec une ferveur presque religieuse qui a surpris de nombreux observateurs et journalistes débarqués du monde entier, ils ont exprimé leur choix entre les 32 candidats présidents de la République et plus de 9000 candidats à la députation nationale. Comme l’attestent les rapports «préliminaires» des missions d’observation dépêchées en RD du Congo pour les besoins de la cause, «les opérations électorales se sont déroulées dans une atmosphère globalement apaisée, sans incidents majeurs». Nonobstant ces fleurs, les observateurs, en particulier la Fondation Carter, ont énuméré des irrégularités qui ont entaché les scrutins. Ce bémol n’a pas empêché les gouvernements étrangers de couvrir la RD du Congo d’abondants messages d’encouragement. C’est la consécration de «la maturité du peuple congolais». Le premier test de démocratie, grandeur nature, vient d’être réalisé. Il est en passe d’être réussi, si jamais la transparence tant proclamée accompagne les opérations de compilation des résultats des 50 mille bureaux de vote et de dépouillement. A cette étape cruciale du processus, il appartient à la Commission électorale indépendante, et à elle seule, de jouer davantage à la transparence. Elle a en face des acteurs politiques majeurs qui, non seulement dénoncent sa douloureuse sujétion à la communauté internationale. Mais lui imputent également des accointances suspectes avec la famille politique du président de la République sortant. Une chose est d’avoir constaté l’enthousiasme et l’impatience de 25 millions d’électeurs devant les bureaux de vote. Une autre est de répondre à des questions pertinentes visant l’avenir du pays. Le fait de faire participer des millions d’hommes et de femmes au vote contribue-t-il à la consolidation de la démocratie ? Ces foules immenses, composées d’élites et d’analphabètes, ont-elles également conscience des enjeux que représentent les élections 2006 ?
DIRIGEANTS MEDIOCRES DEMOCRATIQUEMENT ELUS.
Dans la foulée de nos interrogations, il sied de répondre aux autres préoccupations suivantes. La propension des candidats à distribuer des T-shirts, de la bière, de l’argent, …peut-elle promouvoir l’esprit démocratique ? Les initiatives villageoises de réclamer «d’abord des cadeaux» avant «d’écouter» le candidat peuvent-elles s’interpréter comme signe de la maturité du peuple ? Les récentes élections, tout comme les prochaines, seront riches d’anecdotes sur le thème de la «qualité de la démocratie» en RD du Congo. Objectivement parlant, le pays ne sera pas avancé sur le chemin de la démocratie tant que des millions d’illettrés seront floués, à chaque campagne, par leurs fils et filles quémandeurs de mandats politiques. Telle cette femme de Kinshasa qui a exigé d’apposer son empreinte digitale à côté de la case réservée sur la fiche au candidat : «Il m’a offert ce pagne à son effigie». Tels ces électeurs du Katanga et de l’Equateur qui ont voté à deux mille km d’intervalle l’un de l’autre, mais chacun «pour le fils du pays». Pendant ce temps, une électrice du Kasaï se dit charmée par le poster couleur, franchement photogénique, d’un candidat président. Cet unique paramètre a déterminé son choix. Face à ces réalités qui échappent au domaine du rationnel, le peuple congolais risque de ne pas renouveler sa classe politique à la faveur d’un vote démocratique. Alors, il.ne doit pas feindre la surprise, après la publication des résultats. Il devra, au contraire, se contenter de quelques dirigeants médiocres «démocratiquement élus» mais que le pays «ne mérite pas» au regard des défis de demain. Le pays sera ainsi passé à côté de la recherche de l’excellence. A qui, enfin, la responsabilité historique de cette forfaiture nommée «démocrature»? En premier lieu, la faute incombera individuellement et collectivement aux électeurs dépourvus de l’aptitude à faire un choix rationnel. Le reproche n’épargne pas, en second lieu, les élites qui, tourmentées par un «tube digestif extrêmement long», n’auront pas démontré leur volonté d’œuvrer en faveur du changement, par un vote responsable. Reste, pour consolider la démocratie naissante, la voie royale à emprunter : celle de l’éducation civique permanente.
Par Ben-Clet du Potentiel.

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