Ce calembour suffit à lui seul pour comprendre la complexité du dossier en justice de M. Kamerhe.
Pour en percevoir toute la portée, l'intelligence commande qu'on
s'intéresse plus aux implications politiques du problème qu'au problème
lui-même.
Cela va de soi quand on sait que les démêlées
judiciaires de M. Kamerhe, quelle qu'en soit l'issue, vont reconfigurer
la scène politique congolaise.
En tout cas, pour un homme qui,
durant son parcours politique de plus de trois décennies, s'est fait
plus d'adversaires et d'ennemis que des alliés et amis, tout est promis
au grabuge et à des alliances contre nature allant des plus ridicules
aux plus perfides. Et dans ce tango politique congolais, tout se tissera
pour ou contre Félix Tshisekedi.
Du coup, "cas amer" deviendra un
défi pour le Président Félix Tshisekedi. Il y gagnera ou y perdra selon
qu'il se penchera du côté de la raison ou du côté coeur. Choix
cornellien, en effet!
Pour s'en convaincre et en cerner tous les enjeux, comprenons d'abord comment ce cas a émergé, s'est cristalisé et comment la société le perçoit.
Tout brillant, tout fin et
véritable as de la réthorique qu'il est, M. Vital Kamerhe a manqué
quelque chose de très important en politique:
Il a pris son Chef
pour un con. Il s'est joué de lui, en se permettant mille petites choses
derrière son dos. C'est un manque de loyauté et de respect. Il s'y
ajoute aussi le fait de ne pas savoir décoder les signaux, interpréter
les indices, prévoir les effets de ses actions, et flairer le drame. Je
m'explique.
Depuis que 2023 est devenu une fixation pour lui, il
s'est laissé emporté par une mystification dangereuse de sa personne. Il
s'est cru doté d'une mission, voire de la vocation de remplacer Félix
Tshisekedi.
Il a vite oublié qu'il était dans un cadre social
méfiant et jaloux de sa lutte, et composait avec un système politique né
des frustrations, qui cherche à prendre sa revanche sur le temps perdu.
Pressé et aveuglé par son obsession, il s'est doté d'une âme de " Président alternatif".
De ce fait même, il s'est employé à rassembler les moyens ( financiers) de son ambition.
Mal lui prit de vouloir en avoir, en peu de temps, autant que les Kabila, Katumbi, Matata Ponyo, et Muzito.
Désarmé face à un allié sourd qui fonce sur son objectif tel un TGV,
Félix Tshisekedi n'avait d'autre choix que laisser faire une justice
saisie par la clameur publique.
Tels sont le décor et l'élément structurant.
Quid de deux alliés ?
A la veille du plus grand procès de ces 60 dernières années après celui
des " conspirateurs de la St Sylvestre" et de celui des présumés
assassins de L.D Kabila, Vital Kamerhe n'est plus le même. C'est un lion
blessé. Il s'apprête à jouer au quitte ou double.
La tribune que
lui offre la justice, est un rendez-vous avec l'histoire. Soit il y
entre tête haute soit il est jeté dans sa poubelle. Il n'épargnera aucun
coup. Comme n'importe quel noyé, il n'hésitera pas à maudire son dieu
ou s'accrocher même sur caïman si son sort en dépend.
Tshisekedi
par contre, est à l'heure du grand choix. Pour un moment, et peut-être
pour longtemps encore, il cessera d'être ce "Président normal" que le
monde connait pour se plier à la rigueur que lui impose la raison
d'Etat. Ce sera un choix difficile en ce temps où son sort politique est
aussi concerné.
Oui, parce que le positionnement politique et le
rebattement de cartes qu'induit l'issue de ce procès, feront passer un
rabot sur la planche politique.
ET QUELLE ATTITUDE POUR LE PRESIDENT ?
Au nom du sacrosaint principe de séparation de pouvoirs, le Premier
citoyen congolais doit faire "son confinement et observer les gestes
barrières" par rapport au dossier Kamerhe. Je ne lui apprends rien.
Mais, politiquement cela s'appelle lâcher un allié. C'est du cynisme,
me dira-t-on. Mais, a-t-il un autre choix ? Peut-on faire la politique
au plus haut niveau sans un brin de cynisme?
Peut-on se passer de ce
devoir d'Etat ( le cynisme le devient en certaines occurrences) qui
veut qu'on soit insensible, qu'on relativise tout et que l'on fasse le
choix de l'essentiel quand les intérets de la patrie sont en danger ou
quand un des grands pilliers de sa politique est menacé( lutte contre
les crimes économiques)?
LE RAPPORT DE FORCE
On ne devra
pas perdre de vue que le jeu politique qui s'annonce, donnera lieu à
un rapport de force entre le Président Tshisekedi et son allié Kamerhe.
Vraisemblablement, il se dénouera par la casse et dans la douleur.
Ayons le courage de l'avouer, car la rupture entre ces deux acteurs est
inévitable. Familiarisons nous déjà avec l'idée que la survie politique
de l'un dépendra de la mort politique de l'autre. Personne n'ose
supporter cette réalité, mais elle est inhérente à ce genre de duel au
sommet. Ces deux alliés le savent. Et chacun, avec ses ressources et ses
capitaux politiques, manoeuvre discrétement et subtilement dans ce
sens. Ils n'y peuvent rien. C'est la loi non écrite de la nature
(politique). La vérité est que ce qui les opposera demain,
apparait plus profond que ce qui les a liés hier.
Je vous dois une explication:
1. RECONCILIATION IMPOSSIBLE
Il convient d'abord de rappeller qu'autant l'alliance de Félix Tshisekedi avec Joseph Kabila est un accident de l'histoire, autant celle de Vital Kamerhe et Félix Tshisekedi est contre nature. L'un ayant été, il y a peu, l'antithèse de l'autre. Tout les opposait. Le rapprochement qui les a conduits au pouvoir en Janvier 2019, a été plus un deal qu'une idylle. Il a juste apporté une couche de vernis les bornes sans supprimer les barrières psychologiques et idéologiques. Il a juste panser une plaie sans la soigner. Et ce qui devait arriver, arriva !
Vital Kamerhe et ses soutiens politiques le vivent comme une humiliation et une escroquerie politique.
Pour le camp Tshisekedi, c'est la trahison d'un homme qui a oeuvré pour
faire échouer le Président. En privé, certains n'hésitent même pas à
parler d'une épine extraite du pied du Président: Bon débarras !
De
ce fait, l'un, poussé par l'instinct de survie et du désir légitime de
se venger, voudra vivre autrement et composer avec le pire des ennemis
pour nuire.
Pour l'autre, ce sera une fenêtre d'opportunité pour
colmater la brèche, pousser l'avantage très loin et conforter sa
position par des alliances plus décomplexées et naturelles en vue des
échéances de 2023.
2. LE REGARD DE LA SOCIETE
Qu'on ne se trompe. La société a déjà fait son choix. Elle veut que les têtes tombent. Elle veut se venger contre une classe politique dont elle fait les frais depuis six decénnies. Elle veut en découdre avec les vautours et prédateurs. La clameur publique qui enfle contre V. Kamerhe depuis le dossier de "15 millions", a fini par pâlir son étoile. Le retard que prend le programme des 100 jours, les vraies et fausses révélations des premiers interpellés dans ce dossier, la fuite du neveu de M.Kamerhe et les folles rumeurs qui l'ont accompagnée, ont déjà mis un doigt sur le coupable. La justice aura du mal à donner un avis contraire.
ET L'UDPS DANS TOUT ÇA ?
En choisissant d'observer le silence, l'UDPS a fait le choix de la neutralité. Il ne saurait en être autrement pour un allié.
Mais, la question est de savoir ce que fait ce parti en même temps.
A-t-il un labo pour accompagner, avec des arguments bien charpentés, le
procès dans l'opinion comme le ferait tout parti sérieux ?
S'organise-t-il avec un sens d'anticipation pour influer sur le jeu
politique et encadrer sa base en cas d'une éventuelle dislocation du
Cach ?
L'UDPS ne doit pas se comporter en simple spectateur
quand elle sait déjà que le Fcc se frotte les doigts. Qu'il se prépare à
covoiturer avec un partenaire "diminué devenu maléable à volonté"(sic).
Il compte sauter sur cette rupture pour fêter la "chute d'un traître
qui a osé narguer l'autorité morale".
Par réalisme ou real politik, c'est selon, il l'attirera peut-être vers lui, et le retournera contre Félix Tshisekedi.
Lamuka aurait aussi une occasion de chanter sur tous les toits que la
seule alliance pour une alternative crédible est la sienne.
L'UNC à
son tour, prépare l'ultime combat. Pour ce parti, c'est une question de
vie ou de mort. Il faut donc amener ce procès dans la rue, et trouver
une tribune à son leader.
Ce parti est prêt à tout. Surtout quand il réalisera qu'il n'a plus à perdre.
ET PUIS ?
A y regarder de très près, l'UDPS a de quoi gagner dans une éventuelle rupture avec l'UNC. Personne ne la souhaite, mais si elle s'impose à l'UDPS, elle n'aura qu'à faire avec.
Alors que peut gagner l'UDPS?
En dehors du fait que beaucouo de partis politiques seront tentés
d'aller vers l'UDPS pour combler le vide, tout porte à croire que l'UNC
d'un Kamerhe domicilié à Makala ne sera plus la même. Le pouvoir allant
vers le pouvoir, certains des sociétaires de l'UNC refuseront d'obéir à
un mot d'ordre de rupture.
Il n'en manquera pas qui s'identifieront à Ewanga, à Lubaya et à Kangudia.
Ainsi va la politique. Elle sépare, elle divise, elle aggrave les
tensions et suscite la haine. Elle est envahissante, désordonnée et
incertaine. C'est l'art qui renvoie le plus ses joueurs dans
l'obsolescence. La mort et la déchéance la côtoient.
Les acteurs
congolais en sont conscients. Ils s'appuient sur cette triste réalité
pour justifier leur transhumance, et défendre qu'aucun homme politique
n'est indispensable.
Et quand on sait que toute action politique
obéit à des intérêts hic et nunc, à la loi de la temporalité et à un
certain dynamisme, tout est réuni pour dire que les carottes sont cuites
chez le voisin d'en fâce.
Ne faisons pas couler une larme, ainsi va la politique.
Aristide BULAKALI
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