08 novembre 2005

DRC: un plan d'action.

Plus de deux ans de transition en République Démocratique du Congo et le processus de paix est toujours en danger. Chaque jour, on compte encore jusqu’à 1000 décès des suites directes ou indirectes de la guerre - maladies, malnutrition et insécurité. Bien que les principaux dirigeants des belligérants soient inclus dans le Gouvernement de transition, leur corruption et mauvaise gestion menacent le bon déroulement et la stabilité des prochaines élections nationales - désormais reportées de juin 2005 à mars 2006. Il faut que la communauté internationale maintienne sa pression sur plusieurs fronts en exigeant des réformes spécifiques dans les secteurs de la sécurité et de la justice de transition ainsi que de la bonne gouvernance comme préalables à la tenue des élections sans attendre la mise en place d’un nouveau gouvernement.
L’Accord global et inclusif de 2002, qui a crée l’actuel gouvernement de transition composé des principaux belligérants congolais, engage celui-ci dans un plan de réunification nationale, de désarmement et d’intégration des groupes armés ainsi qu’à la tenue d’élections. Quelques progrès ont été réalisés. Le Parlement a adopté un projet de Constitution (soumis à un référendum incertain en novembre) ainsi que des lois sur la nationalité, l’armée nationale et les partis politiques. Les anciens belligérants ont commencé à fusionner leurs structures administratives et leurs divers groupes armés. Cependant, le processus de réforme du secteur de la sécurité, du système judiciaire et de l’administration locale est loin d’être achevé.
Les atermoiements des anciens belligérants peu désireux de renoncer à leurs pouvoirs et à leurs biens dans l’intérêt national sont la principale raison de l’impasse et du report des élections. Ils ont tous maintenu des structures parallèles de commandement au sein de l’armée, de l’administration locale et des services de renseignements. Des détournements de fonds considérables ont entraîné le paiement inadéquat et irrégulier des fonctionnaires et des soldats, de sorte que l’État est peut-être devenu la plus grande menace à la sécurité du peuple congolais.
Cette faiblesse du Gouvernement encourage aussi les groupes armés de l’est du pays à continuer de maltraiter les civils. Le groupe des insurgés Hutus rwandais, le FDLR, a refusé d’honorer sa promesse de mars 2005 l’engageant à un retour pacifique et continue de se rendre coupable de certains massacres. Dans le Nord Katanga, les groupes Mai-Mai se sont battus tant entre eux que contre l’armée congolaise, entraînant le déplacement de plus de 280.000 habitants au sein de la province. En Ituri malgré des interventions vigoureuses de la Mission de l’Organisation de Nations Unies en République Démocratique du Congo (MONUC), 4.000 à 5.000 combattants attaquent encore régulièrement la population locale, les troupes internationales ainsi que les agents humanitaires.
L’année prochaine sera décisive pour le Congo, un des pays les plus vastes et potentiellement riches de l’Afrique. La réussite de la transition est loin d’être garantie. Malheureusement, il est probable que les dirigeants politiques persisteront à bloquer les réformes cruciales de la transition et tenteront de détourner les élections en leur faveur. Il y a de sérieuses raisons de redouter des manipulations électorales et même la reprise de la violence à grande échelle mettant en péril tant l’unité du Congo que la stabilité d’une grande partie du continent.
Pour écarter ces dangers, le Conseil de sécurité de l’ONU et les autres membres influents de la communauté internationale doivent faire pression sur le Gouvernement de transition. Il doit prendre des mesures globales afin de mettre fin aux souffrances du peuple congolais et d’assurer la réussite de la transition d’ici juin 2006. Ce rapport expose un plan d’action complet articulé autour de cinq objectifs cruciaux incluant les éléments clés suivants :
Un : Des élections libres et justes. Le Parlement doit adopter les lois électorales clés ; le Président Kabila doit tenir sa promesse de nommer de nouveaux administrateurs locaux reflétant l’esprit de l’Accord de partage du pouvoir signé à Pretoria en 2002 ; la communauté internationale doit mettre en place un système efficace d’observation des élections prévues pour mars 2006.
Deux : La bonne gouvernance et la justice. Un mécanisme conjoint doit être mis en place par les Congolais et les bailleurs de fonds, pour venir à bout de la corruption au sein de l’État ; l’aide des bailleurs de fonds doit être conditionnée à des progrès précis en matière de bonne gouvernance et de renforcement des institutions congolaises -- particulièrement les commissions judiciaires et parlementaires ; une chambre spécialisée en droits de l’homme doit être créée dans le système judiciaire pour compléter le travail de la Cour internationale de justice ; le Conseil de sécurité doit autoriser des sanctions ciblées contre ceux qui violent l’embargo sur les armes.
Trois : Une armée et une police nationales intégrées pour rétablir la sécurité. Les bailleurs de fonds devraient créer une Équipe militaire internationale consultative et d’instruction (IMATT) afin d’intégrer l’ensemble des programmes d’aide et de formation destinés aux nouvelles forces de sécurité ; l’aide destinée aux réformes du système de sécurité doit être augmentée ; un groupe de travail devrait être établit afin de coordonner le soutien au développement de la police.
Quatre : Le désarmement, la démobilisation et le rapatriement des FDLR. Tous les moyens pacifiques susceptibles de convaincre les FDLR de rentrer au Rwanda doivent être épuisés ; Kigali se doit de préciser quels sont les officiers que la Rwanda compte poursuivre en justice pour génocide et offrir davantage d’incitants au retour des autres ; un suivi international du processus de rapatriement ; des sanctions ciblées du Conseil de sécurité à l’encontre des dirigeants intransigeants, particulièrement ceux vivant en Europe ; parallèlement, la MONUC doit prendre l’initiative de la préparation d’une action militaire conjointe contre les FDLR.
Cinq : La mise en oeuvre du mandat de la MONUC visant à protéger les civils. Le Conseil de sécurité de l’ONU doit autoriser l’augmentation des troupes de la MONUC ; l’UE et les autres bailleurs de fonds doivent lui donner un meilleur accès aux renseignements dont ils disposent ; le mandat de la MONUC doit être formellement renforcé ou son concept d’opérations clarifié afin d’assurer d’une action plus vigoureuse et proactive contre les FDLR ainsi que les autres groupes armés.
source: www.crisisgroup.com

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