08 mars 2006

RDCongo :les Rwandais, les Ougandais, les Occidentaux et les Américains sont la cause des malheurs congolais selon Honoré Ngbanda (photo).


1. Vous parlez dans votre dernier ouvrage d’un plan cynique d’envahissement du Congo par ses ennemis. Qui sont, selon vous, les ennemis du Congo ?

Les Rwandais, les Ougandais, les Occidentaux et les dirigeants eux-mêmes. Tous les quatre ! Je réponds sans hésitation. Je cite les Rwandais, les Ougandais, les Occidentaux, notamment les Américains (je ne parle pas de l’Etat américain, mais de ces lobbies américains de l’époque). Ce sont eux qui sont la cause directe de nos malheurs car ils veulent, à tout prix, contrôler nos richesses. Aussi les dirigeants congolais, moi-même y compris. Nous ne voulons pas voir l’intérêt du peuple, mais plutôt, nous nous préoccupons de notre propre intérêt. Qui compose avec le pouvoir rwandais ? Ce sont mes frères congolais.

2. Vous écrivez dans votre livre : « Nous avons tous péché, nous avons tous déçus (…). Nous devons demander pardon au peuple ». Hormis les erreurs d’ordre collectif que vous mentionnez, quelles sont les erreurs personnelles commises à l’endroit du peuple congolais que vous regrettez aujourd’hui ? Quels sont les remèdes que vous préconisez ?

Je vais être bref et précis. J’ai appartenu à un système politique qui a connu sa fin en 1997. La plus grande faille du régime Mobutu fut son plan d’action sociale et économique. Nous n’avions pas mis l’accent là-dessus. Le président Mobutu a certes pacifié le pays, il a donné la dignité au peuple congolais et créé l’unité du pays. Tous ces éléments étaient fondamentaux pour que nous pussions bâtir une Nation prospère sur le plan social et économique.
Mais nous avons échoué car nous avons mal géré le pays sur le plan socio-économique. C’est une défaite monumentale !
Le peuple n’a jamais bénéficié des richesses naturelles de son pays. Le sol et le sous-sol congolais ont toujours été bénéfiques pour les étrangers et pour une poignée de dirigeants. C’est là notre responsabilité personnelle. Nous devons aujourd’hui créer un mécanisme de sorte que le peuple puisse bénéficier de l’exploitation de nos richesses naturelles. Les sociétés exploitantes, comme la Miba (Société minière de Bakwanga), ou celles qui exploitent au Katanga, dans le Kivu, devraient réinvestir au sein des communautés.
Notre deuxième faillite fut la violation des droits de l’homme et des libertés politiques. Je reconnais avoir commis de graves erreurs qui ont causé du mal à notre pays. Nous en regrettons aujourd’hui les conséquences. Voilà pourquoi je dis dans mon dernier livre que nous devons demander pardon à notre peuple. Je pensais que toutes nos erreurs du passé auraient servi à ceux qui maintenant au pouvoir, mais malheureusement, la situation et pire qu’avant. Nous sommes tous responsables. Ceux d’aujourd’hui ne peuvent donc pas nous donner des leçons.

3. D’aucuns pensent que vous fustigez les autres dans vos livres, mais n’abordez pas votre implication personnelle dans l’histoire du Congo. Notamment, on vous accuse de violation des droits de l’homme au Congo, d’assassinats et autres exactions. Qu’en dites-vous ?

Mon message à mes compatriotes est simple. Je leur demande de faire un effort pour rechercher la vérité. Quant à ceux qui m’accusent d’avoir commis des crimes, ils n’ont apporté aucune preuve. Je ne cherche nullement à me justifier, mais je crois que mes compatriotes sont victimes de campagnes de presse de l’opposition, laquelle m’a présenté comme étant le « bouclier » du président Mobutu.
J’assume cependant la responsabilité collective dans un système politique qui a commis des erreurs. Quant à ma responsabilité personnelle, je renvoie les citoyens à la Conférence nationale souveraine (Cns) tenue dans notre pays et qui avait permis à chaque citoyen de porter plainte contre toute autorité ou citoyen ayant commis des assassinats, enlèvements, ou quelconques actes de violence.
A ma connaissance, mon nom n’a jamais été cité. Et je n’ai jamais été convoqué. Par ailleurs, je vis à l’étranger depuis huit ans et ne bénéficie d’aucune immunité diplomatique ; personne n’a jamais porté plainte contre moi.

4.Quel message adressez-vous à la population congolaise, celle qui réside sur le territoire et celle de la diaspora ?

Qu’on soit croyant ou pas, la terre est un droit primaire de l’homme. Dans la Bible, c’est d’ailleurs le premier droit de l’homme. Le temps n’est pas à s’accuser mutuellement. Aujourd’hui, nous sommes devant une situation où bons et mauvais, nous sommes tous menacés. Notre terre est menacée par l’étranger qui est en train de nous la pendre. Notre urgence est donc de récupérer notre territoire dans son intégralité.
Mon deuxième message est de ne pas verser dans la xénophobie. Ce ne sont pas les peuples rwandais ou ougandais notre ennemi, mais ce sont plutôt leurs dirigeants civils et militaires qui cherchent à envahir le Congo. N’attaquons pas nos frères rwandais ou ougandais innocents dans la rue. Nous sommes un grand peuple et nous avons neuf pays voisins directs à nos frontières, nous sommes condamnés au bon voisinage.

5. En parlant de la diaspora, que pensez-vous de la décision des autorités de ne pas laisser voter les congolais résidant hors du territoire, sous prétexte d’un manque de moyens logistiques ?

Vous savez comme moi que le nombre de congolais hors du Congo est supérieur à la population de certains de nos pays voisins. Priver ce peuple de son droit de vote équivaut à priver toute une population à la dimension d’un pays de participer aux élections. Ensuite, quand on considère le montant des transferts de fonds qu’effectue cette même diaspora en direction de la Rdc, que se passerait-il si les Congolais de l’extérieur arrêtaient d’envoyer de l’argent au pays ? Rien qu’en provenance des Etats-Unis, on estime à plus de neuf millions de dollars Us, le montant des transferts effectués par Western Union en 2004. Si les Congolais arrêtaient d’envoyer de l’argent, je crois qu’il aurait un soulèvement dans tout le pays. Ce n’est donc pas sérieux de priver du droit de vote ces mêmes personnes qui contribuent à l’équilibre socio-économique du pays.
6. Que pensez-vous des élections prevues pour le 30 juin 2006?

M.Ngbanda est sceptique quant à l’issue heureuse du processus de transition en cours. « L’occupation et le contrôle des institutions de transition par le Rwanda est un problème qui bloque la voie de sortie de la transition. »
Le mécanisme de la construction d’une armée nationale est bloqué de l’intérieur. « L’armée congolaise se retrouve aujourd’hui noyautée par des Rwandais dont des généraux reçoivent des instructions de Kigali ». L’ancien ministre de la Défense cite notamment les généraux Laurent Kundabatware; Buki, chef d’état-major des Forces terrestres; Malick Kijege, chargé de la Logistique à l’état-major général des Fard [ Forces armées de la République démocratique du Congo].
Dans ces conditions, Ngbanda estime que les élections prévues en juin 2006 n’auront pas lieu. Pour l’ancien patron du renseignement du Maréchal, le RCD [Rassemblement congolais pour la démocratie], cheval de Troie du Rwanda au cœur des institutions de transition, n’a aucun intérêt à voir ces élections se dérouler.
« La Communauté internationale ne nous sauvera pas, transcendons nos divisions internes », a-t-il finalement lancé avant de proposer un cadre de concertation qui regrouperait les Congolais patriotes, quelles que soient leurs tendances.

TIREE DU MAGAZINE « AVANT-GARDE ».

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